dimanche 30 octobre 2011

Le putter hanté, ou comment mieux jouer au golf ?

Quelques jours avant Halloween, et après l’article sur les zombies, je vais vous parler du putter hanté. Savez-vous qu’un club de golf ayant appartenu à un ancien golfeur permet de mieux réussir ses coups ? C’est ce que vient de montrer un article publié dans PlosOne le 20 octobre dernier.
Charles Lee et son équipe ont proposé à  41 étudiants de l’université de Virginia (Etats-Unis), amateurs de golf, de pratiquer leur sport préféré. Pour cela, ils ont été séparés en deux groupes : ceux jouant avec un putter acheté en magasin et ceux jouant avec le même putter mais ayant soi-disant appartenu à un joueur de golf professionnel, Ben Curtis (photo).  Bien sûr les deux putters ont été achetés au même magasin et sont strictement identiques.
Ben Curtis - Photo BBC
Par la suite, tous les participants se retrouvent sur le même parcours d’entraînement. Et là, Lee leur a demandé quelle taille faisait selon eux le trou devant eux : les joueurs ayant le putter du « pro » le trouvait plus grand que les autres étudiants (9,60 cm contre 8,75cm). De la même façon ces joueurs ont réussi plus de coups que ceux ayant le putter de magasin (5,30 putts réussis en moyenne contre 3,85 sur 10).

Cependant l’expérience n’explique pas le pourquoi du comment. Selon Lee et son équipe, cela pourrait être dû à une plus grande confiance des golfeurs en leur matériel, du fait qu’il ait appartenu à un professionnel, et par la suite en leurs compétences. On parle alors de contagion positive. Paul Rozin, psychologue à l’université de Pennsylvanie, décrit ce phénomène par le fait que certaines personnes sont persuadées qu’un objet est « hanté » par son précédent propriétaire et que le fait d’utiliser cet objet va modifier leurs comportements et compétences. Est-ce que si j’utilise le crayon d’Einstein je gagnerai un prix Nobel ? Je n’en suis pas convaincu. En tout cas une chose est sûre, jamais je n’utiliserai le club de Tiger Woods (photo).
Dessin issu du blog de na!

Pour en savoir plus :
- L'article : http://www.plosone.org/article/info:doi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0026016
- Le blog de na! : http://www.dessinateur.biz/blog/

dimanche 23 octobre 2011

Le zombie et le scientifique

Hier, à Lyon, avait lieu un rassemblement de « morts-vivants » dans le cadre de la 5ème édition du Zombie Day (photos ci-dessous). A cette occasion, j’ai voulu écrire un article sur des recherches scientifiques effectuées sur ce sujet. 
Les zombies ont toujours fasciné les scientifiques. En 1988, un article, publié dans le magazine Science, et intitulé « Voodoo Science », raconte l’histoire d’un botaniste d’Harvard, Wade Davis, et de son « chef », Nathan Kline. Ce dernier demanda à Davis d’aller en Haïti afin de percer le mystère de la poudre de zombie. Kline était en effet persuadé que les morts-vivants existaient, notamment après avoir rencontré Clairvius Narcisse, un haïtien se disant ancien « esclave zombie » pendant plus de 18 ans.
Davis alla donc à Haïti récupérer de la poudre de zombie auprès de sorciers vaudous. Après analyse, il a mis en évidence la présence de tetrodotoxin (TTX), un poison issu des poissons globe (photo n°2). La TTX peut, selon Davis, entraîner un état proche de la mort et donc ainsi permettre de faire croire au retour à la vie des morts.
Photo n°2 : Poisson globe de la famille des Tetraodontidae
Photo Max Mongongnon
Les symptômes d’ingestion de TTX sont les suivants :
-          Atteintes du système nerveux, paralysie
-          Pâleur
-          Cyanose
-          Hypothermie
De quoi se faire passer pour mort…Lors des rites vaudous de zombification, des haïtiens, condamnés par la justice, devaient ingurgiter cette poudre de zombie, puis étaient réanimés grâce à une décoction de plantes, telles que le datura, contenant de l’atropine (photo n°3). L’atropine permet de contrer les effets de la TTX. Enfin on leur administrait divers psychotropes afin de leur ôter toute volonté…Ainsi ils devenaient des « zombies » et étaient utilisés en tant qu’esclaves.
Photo n°3 : Datura
Photo - Roger Jouet
D’autres études plus récentes et plus loufoques sur les zombies ont aussi été publiées dans divers journaux scientifiques. C’est notamment le cas de l’étude du mathématicien Robert Smith , de l’université d’Ottawa. Ce dernier a mis au point un modèle mathématique qui prédit la conquête d’une ville de 500 000 habitants par des zombies contagieux en moins de 4 jours…On peut se demander pourquoi il n’a pas eu l’IgNobel de mathématiques
Voilà un petit article pour vous faire frémir à une semaine d’Halloween !
NB : Au Japon, la TTX est reconnue comme étant la première cause d’intoxication alimentaire mortelle (Entre 20 et 100 morts par an dues à l’ingestion de poisson Fugu).
Pour en savoir plus :
-          Article n°2 sur les mathématiques zombies : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2789162/?tool=pubmed
-          Article décrivant les rites zombies vaudous sur wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Zombie_%28mort-vivant%29
-          A voir ou à lire : The Walking Dead de Kirkman.


mercredi 19 octobre 2011

L'atelier du peintre préhistorique

Il y a 100 000 ans, l’Homme était dans le paléolithique moyen, période au cours de laquelle il commença à utiliser des outils retravaillés. Une fouille archéologique à Blombos Cave (Afrique du sud), dont les résultats ont été publiés dans Science le 17 octobre dernier, a permis la découverte d’un nécessaire à peinture datant de cette période.
Ce nécessaire était composé d’un coquillage de genre Haliotis (photo) contenant des traces d’ocre, d’os d’animaux sur lesquels se retrouvent également des traces d’ocre et des morceaux de quartz.

La "palette du peintre" - coquillage de genre Haliotis découvert à Blombos Cave
sources : Science/AAAS

Le plus intéressant est le résultat des analyses chimiques et microscopiques qu’ils ont effectué sur les résidus d’ocre. Elles ont révélées que ce dernier était composé de deux types différents d’ocre, de graisse issue d’os de phoque cuits au préalable, de fragments de quartz et de liquide. Selon C. Henshilwood, les Hommes présents à cette période « avaient des connaissances élémentaires de chimie » :
« Ils semblaient savoir que les os de phoques étaient naturellement riche en graisse et en huile, deux composants essentielles d’une peinture…Ils semblaient également savoir que l’ajout de charbon et d’eau permettait de la stabiliser. », selon l’archéologue.
La découverte d’un deuxième coquillage a permis de découvrir que l’« artiste de l’époque » était capable de jouer sur les nuances de couleur en ajoutant d’autres composants dans sa mixture comme de la goethite, un minéral de couleur jaune.
Enfin cette découverte est, selon Henshilwood, une preuve supplémentaire que l’Homo Sapiens vient d’Afrique, qu’il était capable de faire des réserves pour l’avenir et d’utiliser des récipients.

Pour en savoir plus :
L'art préhistorique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Art_pr%C3%A9historique
Livres sur la période : Les enfants de la terre - Jean Auel 

samedi 15 octobre 2011

Histoire : les cellules souches embryonnaires

Après cette petite pause rédactionnelle, je vais vous raconter mon début de semaine fort instructif. J’ai posé mes valises lundi à Cardiff pour un congrès scientifique sur mon domaine de prédilection : les cellules souches embryonnaires. J’ai eu la chance de rencontrer là bas de grands chercheurs dont je vais vous parler dans ce post.  
En 1981, Martin Evans (prix Nobel de médecine 2007) et Gail Martin ont isolé les premières cellules souches embryonnaires de souris (ou cellules ES). Mais que sont les cellules souches embryonnaires ?

Martin Evans au congrès de Cardiff - Octobre 2011 - Photo Pierr'O

Au tout début de sa création, l’Homme n’est qu’une cellule : l’œuf fécondé, créé par la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule. Cet œuf se divise en 2 cellules, puis ces 2 cellules en donnent 4, puis 8…jusqu’au stade morula contenant environ 30 cellules. Morula signifie mûre en latin car comme le montre bien l’illustration suivante, à ce stade l’embryon ressemble à ce fruit.
L’embryon change ensuite de forme. Une cavité apparaît (le blastocèle) et les cellules qui vont donner le futur individu se regroupent en ce qu’on appelle la masse cellulaire interne. Le tout est entouré par les cellules du trophoblaste qui vont former le placenta. A cette étape, l’embryon est appelé blastocyste. Le développement de la souris et de l’Homme ne diffèrent pas dans ces premiers stades.
Martin Evans et Gail Martin ont récupéré les cellules de la masse cellulaire interne et les ont mis en culture dans des boîtes en plastique. Gail Martin leur donna le nom de « cellules souches embryonnaires ». Ces cellules ont 2 propriétés intéressantes :
1.       Elles sont pluripotentes, c'est-à-dire qu’elles peuvent donner tous les tissus d’un organisme adulte (neurones, muscles, peau…)
2.       Elles s’auto-renouvellent, c'est-à-dire qu’elles se multiplient à l’infini tout en restant pluripotentes.
En 1984, l’équipe d’Evans a montré que ces cellules, injectées dans des embryons au stade blastocyste, permettaient la formation de chimères. Dans l’illustration suivante, des cellules ES de souris brunes sont injectées dans un embryon de souris blanche. On obtient alors une souris chimère brune et blanche. Si cette souris a de nouveau une descendance, elle aura une portée de souris entièrement brunes et d’autres entièrement blanches. C’est ce qu’on appelle des chimères germinales.
Voilà pour ce premier post sur les cellules souches embryonnaires. Dans de futurs articles sur ce sujet, je vous parlerai des iPS de Yamanaka, de la caractérisation des gènes clés de la pluripotence de Chambers et Smith, et d’autres découvertes importantes de ce domaine.
Pour en savoir plus :
-  Article très intéressant sur le pourquoi des recherches sur l’embryon humain écrit par John De Vos , chercheur et responsable de l’unité thérapie cellulaire de l’hôpital Saint Eloi à Montpellier : http://www.cndp.fr/magphilo/index.php?id=83

mardi 4 octobre 2011

Du riz à l'Homme : faut-il remettre en cause les OGM ?


Dans ce post, je vais vous parler d’un article scientifique publié mi-septembre 2011 par une équipe chinoise, dans un journal du groupe Nature. 
 

Le riz est la céréale la plus consommée dans le monde. Il est à la base de l’alimentation de nombreux pays notamment en Asie, Afrique et Amérique du sud. Mais saviez-vous que lorsque vous mangez du riz, vous mangez également de l’information génétique qui peut agir sur votre organisme ?


Petit rappel sur l’information génétique : la base de cette information est l’ADN. L’ADN est présent dans toutes les cellules d’un organisme vivant, et renferme toute  l’information nécessaire au bon fonctionnement de cet organisme. On peut comparer l’ADN à un roman écrit avec uniquement 4 lettres (A, T, C et G) et racontant l’histoire de la vie. Pour que l’organisme puisse lire ce roman, plusieurs étapes sont nécessaires. Tout d’abord ce texte est « transcrit » dans un autre langage, celui de l’ARN messager (ou ARNm). Enfin l’ARNm est traduit en un dernier langage, celui de la protéine.  Les protéines vont alors assurer le bon fonctionnement de l’organisme.  


Des chercheurs ont mis en évidence il y a quelques années, des petits ARN qui ne sont pas traduits en protéines. Il s’agit de microARN (ou miARN). Ces petits ARN vont réguler l’action des protéines en empêchant la traduction ou en détruisant directement les ARNm. Ce sont les gardiens du bon fonctionnement cellulaire. 

Dans l’article dont je voulais vous parler aujourd’hui, Lin Zhang, de l’équipe de Chen-Yu Zhang, a mis en évidence une accumulation d’un microARN dans des cellules humaines, le microARN miR168a.

Rien d’extraordinaire jusque là me direz vous ? Eh bien rappelez-vous le titre de cet article. En fait Zhang a montré, pour la première fois, un transfert d’information génétique entre des cellules végétales (ici le riz) et des cellules de mammifères (homme ou souris). Le plus impressionnant (ou inquiétant selon les points de vue…) c’est que le miR168a végétal va réguler une protéine animale, la LDLRAP1. Cette protéine permet l’évacuation des LDL (lipoprotéines de basse densité) du sang. Or les LDL sont les plus gros transporteurs de cholestérol dans le sang. Une bonne évacuation des LDL par l’organisme, permet de diminuer le taux de cholestérol. Le miR168a va bloquer l’action de la protéine LDLRAP1 et donc entraîner une augmentation des LDL dans le sang.  

Il a ainsi montré que des souris, nourries uniquement de riz, présentaient un taux de miR168a élevé dans leurs cellules, mais également un taux de cholestérol élevé. 

Voici le commentaire de Chen-Yu Zhang sur Livescience.com : « Cette découverte fait forcément réfléchir. Elle met en évidence le fait que, outre le fait de manger du «matériel » sous forme de protéines, de carbohydrates…, vous mangez également de « l’information » ».

Cet article apporte un nouvel élément dans le débat des OGM. En effet jusque là on pensait que l’information génétique présente dans les végétaux ne pouvait pas être transmise à l’homme. Or cet article peut laisser penser le contraire. Cependant, ces résultats restent à confirmer par d’autres études sur cette nouvelle interaction Homme/végétal.

Loin de moi l’idée de rentrer dans le débat, c’est pourquoi vous trouverez ci-dessous, des liens vers un site plutôt favorable aux OGM, créé par les professionnels des semences et de la protection des cultures, et un site plutôt contre, celui de Greenpeace.

Pour en savoir plus :

Illustrations : Wikipédia