samedi 26 novembre 2011

Des super-souris créées par l’inactivation d’un gène.

Qui n’a jamais rêvé avoir la force de Superman ?
Deux études récentes ont montré que l’inactivation d’un gène permettrait à des souris d’avoir des muscles plus puissants et mieux constitués.  Ces résultats ont été publiés, par une équipe de Lausanne en collaboration avec une équipe du Salk Institute de San Diego, dans le magasine scientifique Cell.

Au cours de leurs expériences, l’équipe du Pr. Auwerx a diminué l’expression du gène NCoR1 dans les muscles squelettiques (quadriceps, muscle soléaire (jambe), …) par une méthode de biologie moléculaire. Les souris ainsi créées ont des muscles un peu plus gros (la taille d’une fibre musculaire passe de 30µm à 40µm), sont capables de courir plus longtemps (80 min contre 60) sur une plus longue distance (800 m contre 1200m environ). Enfin, ils ont montré que le nombre de mitochondries (un des constituants d’une cellule, permettant de transmettre l’énergie au muscle) était nettement plus important dans les muscles des souris où le gène NCoR1 a été inactivé. Tous ces résultats ont été constatés également auprès des nématodes, ce qui permet aux chercheurs d’affirmer que leurs conclusions peuvent s’appliquer à un large spectre d’êtres vivants.

Schéma d'une cellule avec représentation des mitochondries
Dans une autre étude publiée le même jour dans Cell, l’équipe de Jerrold Olefsky a inactivé le gène NCoR1 dans du tissu adipeux. Cette expérience a eu des résultats inattendus : les souris sont devenues obèses (53g contre 45g en moyenne) mais non diabétiques, ce qui, selon le Pr. Auwerx, est anormal pour une souris de ce gabarit. D’autres expériences ont permis de montrer que ces souris étaient beaucoup plus sensibles à l’insuline, ce qui pourrait expliquer cette absence de diabète.
L’inactivation du gène NCoR1 dans les muscles et les graisses n’a pas entraîné d’effets secondaires néfastes pour l’organisme. Les équipes de scientifiques se sont lancés alors à la recherche de petites molécules médicamenteuses permettant d’inactiver ce gène de manière ciblée pour traiter des problèmes musculaires ou de diabète. «La fragilité musculaire des personnes âgées, qui conduit à des chutes et à une part très importante des hospitalisations, pourrait ainsi être combattue, souligne Johan Auwerx. De même, nous pensons que cela peut être à la base d’un traitement visant les dystrophies musculaires d’origine génétique.»
Cependant attention à la dérive car comme le souligne le Pr. Auwerx : «Il incombera aux autorités de surveillance anti-dopage de veiller à ce qu’il ne soit pas fait un usage contestable (de ces petites molécules)».
Interview du Pr. Auwerx à l'EPFL. Vidéo en anglais.

Pour en savoir plus :
(Vous trouverez des liens pour les deux articles dont j'ai parlé dans ce post.)

jeudi 17 novembre 2011

Don de moelle osseuse: quelles sont les alternatives ?

Vendredi dernier, l’émission allo docteurs sur France 5 traitait de la greffe de moelle osseuse. Voulant en savoir plus, j’ai trouvé un article, publié dans le journal scientifique Stem Cells en octobre dernier, décrivant les alternatives au don de moelle osseuse.
Qu’est ce que la moelle osseuse ?
Comme son nom l’indique, la moelle osseuse est présente au centre des os. Elle contient des cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules sont à l’origine de toutes les cellules sanguines (globules blancs, globules rouges et plaquettes). Les globules blancs sont à la base du système immunitaire de notre organisme, système qui a son importance avec ce froid hivernal pour nous protéger contre les infections ou autres maladies. Chaque jour la moelle osseuse produit 350 milliards de ces cellules sanguines.

Dessin des diffèrents types de cellules sanguines

A quoi sert le don ?
50 000 personnes par an reçoivent des cellules souches hématopoïétiques par greffe de moelle osseuse, afin de guérir de diverses maladies (leucémies, lymphomes ou myélomes…) ou afin de refaire leur système immunitaire notamment après des radiothérapies. Dans le monde, il y a 11 millions de donneurs mais 1/3 des malades ne trouvent pas de donneurs compatibles. Ceci s’explique par le fait qu’il faut une très forte compatibilité donneur/receveur pour éviter que les cellules du malade ne soient attaquées par les cellules du système immunitaire qu’il a reçu en greffe. En effet ces cellules pourraient considérer l’organisme receveur comme un agent malveillant et le détruire ; c’est le processus des maladies auto-immunes.
Processus du don de moelle osseuse
Quelles sont alors les alternatives ?
Une des alternatives, suscitant le plus d’espoir, est la greffe de cellules sanguines issues d’un cordon ombilical. Les avantages de cette méthode sont multiples :
-          Diminution du risque de transmission de maladies infectieuses par le sang
-          Facilité de collecte, beaucoup moins douloureux que le don de moelle osseuse
-          Plus forte chance de compatibilité donneur/receveur car le système immunitaire du nouveau né est encore peu développé.
Cependant, le don de sang de cordons ombilicaux est encore à ses prémices et la capacité de stockage de ces cordons est encore très faible. Aujourd’hui, il y a en moyenne 15 000 greffes de cellules souches hématopoïétiques à partir de cordon ombilical par an. Espérons un fort développement dans les années à venir.
Une autre alternative, encore en rodage, est la possibilité de fabriquer des cellules iPS à partir de cellules du malade ou à partir de cellules sanguines du cordon ombilical. En gros on prend une de ces cellules, on la transforme en cellule dite iPS, capable de produire toutes les cellules d’un organisme adulte (muscle, neurones…), puis on re-transforme cette cellule en cellule souche hématopoïétique qu’on pourra greffer au malade. Je reviendrai sur les iPS dans un autre post car elles méritent à elles seules un joli article. Cette dernière alternative est encore uniquement au stade expérimental.


EDIT du 15/03/2012 : 


A partir du lundi 19 mars 2012 et jusqu'au dimanche 25 mars 2012, va avoir lieu la 7ème semaine nationale du don de moelle osseuse. Mon blog dessous de sciences s'associe avec la communauté des veilleurs de vie pour informer sur la nécessité du don et sur les alternatives au don de moelle osseuse. Vous trouverez dans la colonne de droite, un lien direct sur la photo pour devenir donneur et ci-dessous, la bande annonce du petit film participatif tourné par les veilleurs de vie. 




Pour en savoir plus :
-          Lien de l’émission allo docteur : http://www.france5.fr/sante/allo-docteurs/emission/2011-11-11
-          Un site dédié au don de moelle osseuse : http://www.dondemoelleosseuse.fr/
-          Un site dédié au don de sang de cordon ombilical : http://www.sangdecordon.org/
-          L’article dans Stem Cells sur les alternatives au don de moelle osseuse : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/stem.770/abstract

mardi 8 novembre 2011

Mendel : imposture du génie ou génie de l’imposture ?

Vendredi, un article, du magasine scientifique Science, révélait les fraudes scientifiques d’un chercheur en sciences humaines hollandais. Le psychologue Diederik Stapel, de l’université  de Tilburg, a été accusé d’avoir falsifié des données dans une douzaine de publications scientifiques depuis 10 ans environ. C’est une des plus grande fraude scientifique récente jamais mise à jour. Mais la fraude, ou la falsification de résultats, a toujours existée en science. Dans ce post, je vais vous raconter l’histoire, quelque peu romancée, de l’imposture d’un génie, ou d’un génie de l’imposture, à vous de décider.

En 1822 naquit, dans un village de l’empire autrichien, un petit paysan du nom de Johann Mendel. Ce dernier s’avéra très vite être un petit garçon plein de ressources et très intelligent. Le prêtre du village décida alors de lui permettre de poursuivre ses études dans un monastère, au sein duquel il sera ordonné prêtre et prendra le prénom de Gregor.
Mendel dans son jardin

Au cours de ses études, il rencontra Franz Unger, botaniste de formation, qui avait un grave problème. Il en fit part à Mendel, probablement dans ces termes : « Ach, je ne comprends pas pourquoi mes petits pois lisses sont devenus ridés à la génération suivante. Peut-être pourrais-tu faire une expérience pour comprendre ce phénomène ? ». Mendel opina du chef. De retour à l’abbaye il créa un jardin expérimental dans lequel il fit pousser des petits pois jusqu’en 1865, année ou il publia ses résultats dans un article intitulé « Recherche sur des hybrides végétaux ».  De ses résultats il en sortit 3 lois qui sont les fondations de la génétique moderne (je reviendrai sur ses lois dans un prochain article).

Jardin expérimental de Mendel - cliché Palais de la Découverte (Paris)
Mais à quel niveau se situe la fraude ? En fait ses résultats furent trop beaux. Les lois que Mendel a décrites sont des lois statistiques. Or Ronald Fisher, mathématicien émérite, démontra en 1936 que les résultats de Mendel étaient beaucoup trop beaux pour être vrais et étaient beaucoup trop proches de la théorie. En 1965, un autre chercheur en biologie, Sir Alister Hardy, démontra à son tour que les résultats de Mendel étaient d’une perfection trop grande pour être réels. La revue d’horticulture Hort Science en 1972 mis en cause Mendel dans un petit article cocasse :

« Au commencement était Mendel, ruminant ses pensées solitaires. Puis il dit : « Qu’il y ait des pois » et il y eut des pois, et cela était bon.  Puis il mit ces pois dans le jardin et leur dit : « Croissez et multipliez-vous (…)» Ainsi firent-ils et cela était bon. (…) Puis advint que Mendel rassembla ses pois et les sépara en graines rondes et ridées (…) il vit alors qu’il y avait 450 pois ronds et 102 pois ridés. Cela n’était pas bon. Car la loi stipule qu’il doit y avoir 3 ronds pour un ridé. Mendel, pris d’un juste courroux, frappa sur la table et dit : « Eloignez-vous de moi, pois maudits et diaboliques, retournez dans les ténèbres où vous serez dévorés par les rats et les souris ! » et il en fut ainsi ; il ne resta plus que 300 pois ronds et  100 pois ridés, et cela était bon. Excellent, même. Et Mendel le publia. »
Alors pourquoi la génétique moderne s’est-elle basée sur une fraude ? Eh ben tout simplement parce que l’hypothèse de Mendel était tout à fait exact ! Il aurait donc un peu modifié ses résultats pour coller parfaitement avec son hypothèse. Malgré cela Mendel reste un des plus grands scientifiques de l’Histoire. Comme quoi l’habit ne fait pas le moine…

Soupe de petit pois au menu...

Pour en savoir plus :
- Livre : "L'imposture scientifique en 10 leçons" par Michel de Pracontal
- Article sur le chercheur hollandais accusé de fraude : http://www.sciencemag.org/content/334/6056/579.summary